« Je m’appelle Takfarinas, Je suis né en Algérie, je vis en France, mon identité c’est ma musique et mon pays c’est la planète ».
Si on lui demandait de se présenter, ces quelques mots, déjà, lui suffiraient. C’est sa manière à lui d’aller à l’essentiel. De dire sans détour ce qui nourrit « Honneur aux dames ». Une manière aussi de déflorer le mystère de ses intentions secrètes et de répondre aux maladroits préjugés.
Né à Tixeraïne, la ville kabyle d’Alger, Takfarinas vit en France depuis 1979. « Les deux cultures sont dans mes veines ». Voilà pour clouer le bec à qui ne comprendrait pas ou trouverait suspect ce copieux double album (29 titres inédits, dont 12 en français avec leurs versions en kabyle, 4 chansons en kabyle et un duo kabyle/anglais), sa passion, son obsession depuis trois ans. Il met tout simplement en lumière sa double identité, assumée, revendiquée.
Il lève toute ambiguïté. Les titres en français ont été écrits en majorité par Hocine Hallaf. Des mots justes et sensibles faisant parfaitement écho aux émotions, aux élans qui nourrissent et animent Takfarinas. Entre lui et ce jeune auteur français d’origine kabyle, qui a par ailleurs écrit pour Jennifer, David Hallyday (sur son nouvel album), et Louisa Bellaïche (le titre « Monts et merveilles », pour l’Eurovision, en 2001), le courant, à l’évidence, est passé. Et l’on devine que les textes chantés par Takfarinas sont nés d’une grande connivence, d’une vraie complicité. Pierre Grosz, l’une des fines plumes de la chanson française (Jonasz, Polnareff...) a également signé l’un des chants d’amour (« Que c’est beau ») qui jalonnent « Honneur aux dames ».
L’idée de cet album, dont il a assuré quasiment seul la direction artistique, s’est imposée à Takfarinas, sans calcul. « Tout peut provoquer une chanson » dit-il, cet ultime espoir face aux grimaces du monde. L’amour, la mélancolie, la colère, la vigilance. Rendre hommage aux femmes, ce fut d’abord laisser jaillir sa révolte face à l’oppression qu’elles subissent. Il se souvient de ces images d’Afghanistan ou d’ailleurs. À la fois manifeste d’amour et réquisitoire contre les fautes de goût et d’attitude dont l’homme se rend coupable dans le monde, « Honneur aux Dames » révèle la sensibilité d’un chanteur en guerre contre l’intolérable, d’un obsédé de tendresse et de vie. D’un individu en quête de fraternité universelle aussi. Ne comptez pas sur lui pour expliquer tout à fait les chansons qu’il interprète. « À chacun d’y mettre son propre film, ses images ».
Pour faire naître son nouveau rêve, il a invité des amis de partout. Un chanteur marocain, Hassane Idbassaïd (« le premier duo entre un berbère marocain et un berbère algérien »), des rappeurs (Sté Strausz, Rabah, du groupe algérois MBS, Jef de la Cruz, « Jimmy » Yin Jian, (contacté à Pékin, via Internet), le duo de choc jamaïcain Sly & Robbie, la chanteuse de R’n’B China... La distribution musicale force le respect, par son importance, sa pertinence (Moktar Samba, Michel Alibo, Karim Ziad, les cordes de l’Orchestre Royal du Maroc, Norbert Krief, Moulay Aït Sihamed, Farid Zéhouane...).
Le musicien Kamel Benmaghnia (claviers), que d’aucuns connaissent aussi sous le nom de Kamel Sahnoun, un complice fidèle, l’a accompagné tout au long de la création et a signé la plupart des arrangements. Takfarinas l’a nommé son « magicien des sons ».
Rénovateur depuis des années de la chanson kabyle, Takfarinas risque bien de surprendre encore avec « Honneur aux dames », une rivière de chansons pailletées de lumière, des ballades rêveuses et amoureuses, des provocations à l’abandon et des appels irréductibles à la danse.
Mélangeant funk, reggae, rock, rap, chaâbi, liés dans ce fameux mélange tonique qu’il a concocté et baptisé « musique yal ».